Interview du Pharmacien concepteur de la technologie DrugCam®
Interview du Pharmacien concepteur de la technologie DrugCam®
Pour cette nouvelle interview d’un Pharmacien entrepreneur, je reçois Benoit Le Franc qui est le concepteur de la DrugCam®. Mais avant de découvrir notre échange, je vous fais un petit rappel sur cette technologie que vous pouvez découvrir sur le site Eurekam.fr .
Il s’agit d’une caméra disposée au niveau des hottes de fabrication des cytotoxiques qui enregistre chaque étape de la préparation (choix du médicament, volume prélevé…). Cette étape de contrôle permet de sécuriser le processus afin de garantir une conformité de la préparation à la prescription.
C’est interview est disponible en podcast
Benoit le Franc nous présente dans cette interview, son parcours ainsi que celui de DrugCam®
Pouvez vous nous décrire votre parcours pharmaceutique ?
Je suis pharmacien hospitalier dans le public et praticien depuis 5-6 ans. J’ai fait mes études de pharmacie à Caen puis l’internat dans le grand ouest particulièrement à Nantes. J’ai été pris ensuite comme pharmacien assistant à l’hôpital de la Rochelle puis praticien hospitalier dans cette même structure.
Pendant 6 ans, je me suis occupé de chimiothérapies dans une unité de reconstitution. Ensuite, j’ai arrêté cette activité pour m’occuper de dispositifs médicaux.
Depuis Janvier, je suis en disponibilité pour 6 mois. Pendant cette période d’arrêt de mes fonctions hospitalières, j’ai intégré la société à temps plein.
Je vais reprendre mon poste en Juillet pour occuper une fonction de chef de service.
Intéressons nous maintenant à votre projet DrugCam®, pouvez vous nous raconter l’histoire de cette idée ?
L’aventure a commencé en 2009. J’ai alors eu l’idée de mettre des caméras pour faire des études de faisabilité dans l’unité et voir si la vidéo pouvait être acceptée notamment par le personnel. Il fallait valider si on pouvait automatiser et sécuriser l’étape de contrôle des préparations des cytotoxiques. Il y a eu un pré prototype fabriqué en 2009 et un dépôt de brevet la même année.
A partir de là, l’idée a plu au milieu pharmaceutique lors de mes présentations dans des congrès et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire.
Cette idée simple pouvait transformer et améliorer les pratiques en apportant une sécurisation des activités des URCC. L’étape suivante a été de trouver des ressources pour pouvoir développer le brevet.
Je me suis alors tourné vers l’université de la Rochelle afin d’avoir des contacts pour m’aider dans ce projet. On a pu ainsi monter un dossier pour aboutir à un démonstrateur en 2011. Ensuite, on a senti qu’il y avait quelque chose encore de plus fort à faire. On a créé, avec mon associé et co-fondateur, la société Eurekam en 2012 qui avait pour objectif de développer la solution DrugCam® et la commercialiser.
En 2013, on a pu lever des fonds pour continuer le développement de l’entreprise. On a commencé à commercialiser DrugCam® en 2014. Le premier centre béta testeur a été la Rochelle.
Dans mon établissement, on utilise la solution depuis plus de 3 ans. Il y a eu au total 3 béta testeurs : la Rochelle, le Havre et l’institut Paoli Calmettes à Marseille qui nous ont permis d’améliorer le produit.
Aujourd’hui, dans combien d’URCC êtes vous présents ?
21 URCC ont fait le choix de DrugCam® en France. Actuellement, nous sommes en train de finaliser des projets dans certains pays européens et en Amérique du Nord. Nous avons obtenu une seconde levée de fond de 1.5 millions d’euros récemment.
Notre objectif est de s’internationaliser et de développer d’autres produits qui découlent de la technologie DrugCam® notamment dans les domaines de l’anesthésie et de la pédiatrie.
Toujours dans le contrôle des préparations ?
Oui, tout à fait, nous travaillons sur les étapes de préparation des médicaments. On adapte la technologie sur d’autres secteurs médicaux.
Depuis le début de ce projet en 2009, avez vous commis des erreurs de développement ?
Bien sur ! Heureusement qu’on en a fait d’ailleurs !
C’est comme ça qu’on a pu avancer. Après, ça n’a jamais été des erreurs « fatales » mais disons qu’il y a eu sans doute du manque d’expérience car nous n’étions pas formés à tout.
Par exemple, nous avons parfois fait confiance à certains acteurs de l’industrie pharmaceutique. Mais, au final, nous avons connu des désillusions car ce monde était finalement inconnu pour moi en tant que pharmacien hospitalier. L’indépendance est au final très protectrice.
Il faut faire attention, ce n’est pas des erreurs importantes pour la survie de la société mais il est nécessaire d’avoir de la méfiance. Monter un projet est un combat, une lutte permanente.
L’aspect du projet que nous n’avions pas envisagé et que nous avons découvert est peut être le temps de prise de décision.
Les cycles de vente et de développement sont longs. La grande difficulté est le temps de validation des projets dans les structures hospitalières. Moi, je les connaissais mais j’avais une vision différente du processus du fait mon métier.
Pour ce type de produit technologique comme DrugCam®, la vente est complexe et de nombreux acteurs sont intéressés en passant du biomédical, à l’informatique, aux médecins et aux pharmaciens. Le processus décisionnel est extrêmement long et actuellement la situation des hôpitaux fait que c’est de plus en plus long, les budgets sont serrés. L’erreur est peut être de croire que cela va être rapide. Finalement, on a bien compris qu’il fallait s’armer de patience et de beaucoup de volonté.
Avez vous développés également votre solution dans le secteur privé ?
Sur les 21 centres partenaires, on a 3 cliniques privées. La situation est un peu différente dans ce secteur de la santé car il y a beaucoup de groupements et encore des établissements indépendantes. Mais c’est pareil, les processus de décision sont longs.
Vous avez combien de salariés aujourd’hui ?
On est au total 10. Les premières embauches ont été des profils techniques type ingénieur informatique. Nous avons actuellement 3 personnes avec ces compétences.
L’équipe est constituée également d’un dirigeant (business développeur), d’un pharmacien, d’un directeur financier, d’un commercial, d’un ingénieur mécanique et des techniciens.
Pour finir cette interview, auriez vous quelques conseils à donner à des pharmaciens qui souhaiteraient se lancer de ce type de projet ?
Une des chances que nous avons eu c’est que je suis pharmacien et à l’intérieur du système ce qui nous a permis d’avancer plus facilement. Il faut surtout ne pas croire que cette facilité va être pérenne. Un moment ou un autre, ça s’arrête !
La profession vous arrête un peu dans vos avancées. De mon point de vue, avoir cette double casquette (pharmacien et entrepreneur) ce n’est pas encore très bien vu de la part de la profession. C’est mon sentiment. On se heurte à quelques incompréhensions, ce n’est pas évident à faire « passer la pilule à certains ».
Le conseil c’est de s’armer de patience par rapport à cela et toujours expliquer aux gens pourquoi on le fait.
Merci à Benoit le Franc pour cet échange. Si vous souhaitez aller plus loin vous pouvez consulter la site internet de la société Eurekam.fr .